dimanche 6 mars 2016

De mon métier

En cette veille de rentrée et alors que mon moral est mis à mal tant par la réforme à venir que par la maladie qui terrasse Petit Doux et le Paladin, alors que je vais accueillir cette semaine une étudiante qui se destine à l'enseignement, je m'interroge sur mon métier.

Sur le forum professionnel que je fréquente comme dans ma salle des professeurs, beaucoup parlent de leur désenchantement, de leur volonté de quitter l'EN dont les mâchoires ministérielles broient trop souvent les personnels.

Moi-même, à l'heure où les langues anciennes sont torpillées et où on réforme une fois de plus en dépit du bon sens, la lassitude me guette.

Lassitude de devoir expliquer pourquoi il faut en revenir aux fondamentaux pour qu'aucun élève n'arrive en 6e, à 11 ans, sans savoir lire réellement, avec fluidité et en COMPRENANT les textes, sans avoir acquis les bases des mathématiques, des rudiments d'histoire, de sciences.
Mais non, il importerait de leur faire commencer une langue vivante, grâce à des personnels non formés, histoire que ça soit vraiment débile, et de leur parler de développement durable et d'arts plastiques un cours sur deux. Certes. Ecrire et compter par compte, hein...
 Lassitude de me battre contre de la paperasserie et de ne pas pouvoir compter sur les infirmiers, médecins scolaires, surveillants et assistante sociale de mon établissement. Un gamin a un problème, grave ou pas ? Dommage ! "Elle est absente aujourd'hui. Et demain. Et après aussi." "Oui, mais je n'ai pas un salaire de professeur, moi, donc je ne vois pas pourquoi..." "Non, mais les profs, ils sont trop relous avec vous, viens, je te fais un mot de retard si tu veux pour qu'ils ne te cassent pas les c****".

Et pourtant, en cours, là où la loi, c'est moi, je sais pourquoi je fais ce métier.
Tout comme quand j'élabore mes cours ou les relis.
Me réjouis de leur faire découvrir Yvain, Tristan, Eluard ou Jupiter.
Quand ils se bousculent pour poser des questions.
S'étonnent que ça sonne déjà.
Se concentrent pour réussir et sont fiers parce que c'était compliqué et que je le leur dis.
Reviennent pour s'excuser ou juste pour échanger.
Nous font confiance.
Réussissent alors qu'ils pensent être nuls.
S'enthousiasment pour Mallarmé et ses messages cryptés.
Sourient en entrant et en sortant de cours.
M'apportent des citations à inscrire au tableau dédié.

Même si ce n'est pas toujours facile, ni idyllique. Même si P. me casse les oreilles en me chantant du Justin Bieber à la fin des cours. Même si J. a vraiment un humour nul. Même si, même si...

Mon ancienne salle de classe, du temps de FortFortLointain

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